Le véritable enjeu de notre décennie est le vieillissement de la population française et l’explosion de la dépendance. L’EHPAD répond essentiellement à une problématique de fin de vie, en moyenne après 84 ans ; l’espérance de vie dans ce type d’établissement y est d’ailleurs très courte. La question majeure se situe avant l’entrée en EHPAD et réside en la capacité à mesurer les besoins, tant en termes quantitatifs que qualitatifs.
Vieillissement de la population et hébergement
On constate qu’entre 40 et 50 % des personnes de plus de 75 ans éprouvent des difficultés dans leurs activités quotidiennes. Entre 2020 et 2030, la cohorte des 75-85 ans va augmenter de 2 millions de personnes, de 1,1 million d’ici à 2025 ! Le besoin d’hébergements et de services adaptés pour cette population est en train d’exploser.
Pour répondre à cette forte demande, les acteurs privés sont en mesure de construire rapidement des hébergements adaptés aux seniors, mais la question centrale – que doivent se poser les acteurs de ce marché – demeure l’étude des nouveaux besoins et des nouvelles envies de cette catégorie de personnes. Qu’est-ce que la résidence services seniors de demain ? Comment éviter le phénomène de ghettoïsation et intégrer pleinement les seniors au reste de la population ? Le vrai sujet n’est finalement pas une problématique de capacité de production mais bel et bien le positionnement de l’offre d’hébergement au regard de l’évolution des attentes des nouvelles générations de seniors.
Le second élément central de cette analyse du vieillissement de la population française est la démographie. En France, on fait moins d’enfant qu’auparavant, ce qui augmente mécaniquement « la charge par enfant » et rend plus difficile pour un ou deux enfants de subvenir aux besoins de leurs parents. La baisse de la natalité a aussi renforcé l’importance de l’enfant pour ses parents. La relation entre parents et enfants est très forte et lorsque ces derniers quittent le cocon familial, une première déchirure se produit, d’autant plus si la séparation géographique est grande. Ceci représente une première phase de l’isolement. Lorsqu’ils quitteront à leur tour leur maison pour aller vivre en résidence seniors, ils doivent pouvoir conserver ce lien avec leurs enfants et les recevoir dans leur nouvelle habitation. Pour faire jouer à plein la solidarité intrafamiliale et intergénérationnelle, il faudra être en mesure de rapprocher les lieux de vie des seniors et de leurs enfants. Ce sont des freins qu’il faudra pouvoir lever.
Autre phénomène démographique qui change la donne : la multiplication des familles monoparentales. Autrefois, une personne pouvait aider et accompagner son conjoint. Aujourd’hui comme nous vieillissons moins en couple, la présence d’un aidant devient un sujet familial et social.
Un véritable enjeu de société
La création d’hébergement pour seniors représente un véritable enjeu de société qui ne se résume pas à reproduire le modèle actuel puisque le profil sociologique de notre population change.
Dans la grande majorité des métropoles, une offre est déjà existante. En se développant dans les zones concentrées à fort pouvoir d’achat où les clients sont les plus solvables, les résidences seniors ont avant tout répondu à une équation économique. Mais le tsunami démographique va également intervenir dans les quartiers périurbains et dans les villes moyennes, où les besoins d’hébergements pour seniors vont exploser, avec des caractéristiques sociologiques et économiques très différentes. Le modèle doit donc s’adapter pour répondre aux diverses facettes de ces populations des centres-villes des grandes métropoles, des quartiers péri-urbains et des villes moyennes.
Un article rédigé par Pierre Sabatier
Économiste prospectivite, conférencier,
Président de Prime View, Vice-président de l’AUREP.